Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
La feuille, l'encre et l'âme...
20 septembre 2009

Coeurs

[J'ai retrouvé dans mes fichiers ce vieux texte que j'ai écrit il y a deux ans...
Je le poste. En espérant qu'il plaira malgré l'incohérence de l'Histoire...]

Il y a ce Cœur... puis celui la. Deux âmes égarées qui ne se sont jamais rencontrées marchent côte à côte, sans se voir, sur un chemin gris, sombre comme le ciel orageux qui menace d'ailleurs de s'effondrer sur leurs nuques éreintés à tout instant... Autour d'Eux, les couleurs se sont depuis longtemps ternies... Maintenant, il me semble qu'elles ont disparu, la toile s'est fanée, les valeurs sont maîtresses d'un Chaos confus ne laissant place à rien.
Il n'y a eu qu'une seule pensée, réminiscence fatale, puis la conscience félonne s'est alors immiscée la où elle n'aurait jamais du entrer. Ils s'accrochent à un fil, espérant... Ils ne peuvent faire que ça. La vie les a presque entièrement déserté, ils errent dans les abîmes du monde, personne n'en est troublé, la plèbe passe sans voir les fissures qui entaillent ces Cœurs,  et de toutes façons, personne ne le pourrait... Les mots qu'ils souhaitent entendre fuient, parfois les frôlent mais s'ils tentent de retenir ces paroles fugaces, la blessure se rouvre, un peu plus douloureuse à chaque seconde. Et le Temps qui s'écoule. Ce ne sont jamais les bons mots. Jamais rien ne les atteignent, ces deux Cours moribonds. Les sens faiblissent, la fin est proche. La sécheresse les a rongés, leurs entrailles ne sont que ruines, ils agonisent, ils souffrent, mais ils continuent... toujours. La mèche de l'espérance se consume lentement, la cire fond sous les caresses de flammes machiavéliques, celles de d'un Enfer tutélaire... L'huile bouillante se répand et brûle les mains écorchées vives. Ils vont vers la déchéance, ils sont peut-être même déjà à ses portes. Ça sent le soufre. L'odeur est insupportable, putride, mais ils continuent.

Ils ont brisé la dernière fenêtre. Des débris de verre sont enfoncés au creux de leurs paumes suintantes, dans leurs bras, déchirent la chair pâle... La sueur se lie au sang sans autre forme de procès. Leur sève coule à flots, des flots rouges et déchaînés qui exsudent de la plus profonde des plaies, dans un infâme gargouillis... Ils tentent fébrilement d'arracher les éclats : leurs efforts sont vains. Ils ne font que lacérer leur peau davantage.
Ils sont tellement heurtés que leurs jambes jadis vaillantes ne les portent plus. Ils rampent sur le sol à l'image de ces vers grouillants qui dévoreront bientôt leurs cadavres. Ils enfoncent leurs ongles noirs dans la terre et dans un ultime coup de rein, poursuivent leur chemin vers celle qui les prendra si vite, traçant derrière eux un macabre sillon... La Souffrance jubile... elle rit aux éclats, sa jumelle, la Douleur sourit férocement. Le Destin, lui, se tait. Il pense. Seul. Son visage reste impassible, ses traits durs. Il est l'unique juge, l'ultime détenteur de la Fin, tient la Mort en respect. Depuis bien des années, il a mis ces Cœurs à l'épreuve. Ils ont été courageux. Ce courage intrinsèques aux jeunes corps purs. Ils ont longtemps résisté, lutté, battu des bras dans le vent mais à présent, la lassitude les a envahi. Ils ont abandonné. Le Destin est fier d'eux. Il murmure...

« Pas aujourd'hui... pas comme ça... Pas ici. »

Le temps s'arrête, la course folle des heures est suspendue. Il fait noir, il fait nuit. Une mélodie s'élève, le vent l'entend, accourt et s'y mêle. Les feuilles bruissent, les fleurs murmurent. L'exquise communion lie les artefacts. L'acte est un réel délice. Le lieu désert se métamorphose peu à peu. Dame Nature s'éveille. Qu'elle est belle... Elle étend ses bras noueux au devant de son visage. Un geste, un simple mouvement. Une fleur sans teinte pousse, un épi sombre défie les Cieux chargés. La bataille commence. Le Tonnerre, aux ordres des viles Jumelles, déchaine la Foudre et frappe la Terre. La Nature lance les gardiennes sacrées à sa rencontre. Les éléments sont en furie : c'est un cataclysme. Ce fut décidé. Il n'y aurait aucun survivant.

Forest

Les Cœurs se meurent. Leur âme est sur le point de quitter cette hideuse enveloppe corporelle pour rejoindre un autre monde. L'Histoire avec sa grande hache arrive alors. Le Destin tutélaire flotte, son regard se pose sur Elle. L'Emissaire de la Mort, le Bourreau sans pitié, celle que le Châtiment a rendu insensible, se prend à hésiter... Elle ne peut. Impossible d'achever ces Cœurs encore tièdes, ces doux martyrs. Elle fixe le Destin, "Plus tard.", incline ses épaules et saisis l'une des entités entre ses doigts, la place à côté de l'autre et s'évapore élégamment... en silence... Tout à coup, tout se déchire, les montagnes se fendent, les plaines se tassent. Cela frappe, cela hurle, cela crie, cela chante, cela tournoie, cela implose... C'est la plus horrible plainte audible au monde... Le fracas perce les tympans, fait exploser les boites crâniennes. Tout est déchiré.


Il ne reste rien, sauf... les Cœurs. De l'eau suinte, l'on entend son battement régulier. Ils saignent toujours... Et inévitablement... lentement... surement... leurs sèves se mêlent. Alors que tout semble perdu : mouvement. Un Cœur renaît. Il respire. Il vit. Il ne comprend pas. Il redécouvre le monde qui l'entoure. Il écarquille les yeux mais les plisse aussitôt. La lumière est vive, fade. Il effleure sa joue, les cicatrices désormais pansées, sa peau lui semble plus douce que jamais. Puis, il aperçoit un être suffocant, Celui dont les plaies purulentes masquent un visage. Comme il est beau malgré les heurts qui le défigurent. Il est comme lui. Les mêmes blessures, le mêmes envies, les mêmes craintes, la même peur... Comment sait-il tout ça sur l'Inconnu ? Ou plutôt comment l'as t-il lu ?
Il ne le connaît pas, cet Autre qui expire, pourtant, il peut plonger au cœur des abîmes de cette âme qu'il trouve si semblable à la sienne. Sans jamais se tromper. Peut-être que... Il effleure l'Inconnu de son doigt. Le Cœur. L'Inconnu tressaille, tremble, se meut. La mélodie auparavant étouffée par les grondements célestes, reprend possession de l'Univers. Tout lui appartient. Elle berce la Terre torturée. La mère nourricière se régénère. La catharsis opère, cette purgation était capitale. Nécessaire.
Un tourbillon d'étoiles moirées entoure les Cœurs engourdis. L'Inconnu ouvre les yeux. Le Cœur y lit la surprise, la peur... mais aussi le plus pur et le plus fort des sentiments. Des sourires naissent. Le Cœur tend la main. L'Autre hésite, puis la saisis... Il grimace. Le Cœur a peur. L'Autre a t-il mal ? De légers picotements titillent ses paumes, ravissent son âme et... Que faire ? Il peut seulement bondir, rire, chanter, jouer... Tout s'arrête de nouveau. L'Inconnu a balbutié.

La toile frémissant sous la soie d'un pinceau invisible rougit. Les champs jadis éteints verdoient alors, les épis se dorent, les fruits mûrissent, les rivières s'animent. Les Cœurs assistent au plus beau spectacle du monde. Est-ce la première fois que les couleurs leur paraissent si belles ?
Les Cœurs n'attendaient que cela. "Cela". Toute leur vie, ils l'ont cherché. Maintenant, ils battent, ils battent à l'unisson, dansent et t  et chantent et rient et. Aiment. virevoltent. Ils vivent heureux maintenant et à jamais la où le Destin les a menés. Ils connaissent le moment le plus beau de cette existence qu'il pensaient vaine. Ce jour, il le cueillent délicatement.

Après la Mort, la Naissance, le cycle jamais ne se tord. La Douleur et la Souffrance font bien pâle figure devant l'Amour qui toujours perdure.

Publicité
Publicité
Commentaires
La feuille, l'encre et l'âme...
Publicité
La feuille, l'encre et l'âme...
Archives
Publicité